Responsabilité décennale : seul le propriétaire à la date de la décision peut percevoir l’indemnité
En 2004, les consorts X achètent aux époux Y une maison. En 2005, se plaignant de la présence d’eau dans la chaufferie et le garage, ils demandent la condamnation des Y à les indemniser. Les X revendent le bien en mars 2011 aux époux Z, et obtiennent en décembre 2011 la condamnation des époux Y, qui leur versent l’indemnité. Quelques mois plus tard, les Y assignent les X, contestant leur droit à recevoir les fonds, puisqu’ils n’étaient plus propriétaires de la maison à la date de la décision de justice. L’affaire arrive devant la Cour de cassation.
Le propriétaire qui a engagé l’action pouvait-il recevoir l’indemnité ?
Non. Pour la Cour de cassation, seul le propriétaire actuel de l’immeuble est fondé à percevoir les indemnisations allouées au titre des désordres engageant la responsabilité décennale du vendeur et du constructeur. Le premier propriétaire qui avait engagé l’action et a revendu l’ouvrage ne peut donc se voir attribuer l’indemnité. En effet, cette dernière, liée à la garantie décennale, a pour première vocation la réparation de l’ouvrage. En assurance dommages-ouvrage, la Cour a affirmé le même principe. Elle considère même que l’indemnité doit être impérativement utilisée à la réfection de l’ouvrage. À défaut d’utiliser les sommes versées, l’assuré doit les restituer (Cass. 3e civ., 4 mai 2016, n° 14-19804).
Réception judiciaire : une seule condition, l’habitabilité de l’ouvrage
Des maîtres d’ouvrage signent un marché avec un constructeur pour l’édification de leur habitation. Avant la fin du chantier, le constructeur sollicite le règlement du solde du marché. Les maîtres d’ouvrage refusent. Après une expertise judiciaire, ils assignent au fond le constructeur. Le juge prononce la réception judiciaire et le condamne à indemniser les maîtres d’ouvrage sur le fondement de sa responsabilité contractuelle.
Le juge pouvait-il prononcer la réception judiciaire de l’ouvrage, afin de mobiliser la garantie décennale ?
Oui. La Cour de cassation considère, même en cas d’abandon caractérisé du chantier par l’entreprise, que la réception judiciaire peut être prononcée dès lors que l’ouvrage était habitable. Le constructeur peut voir sa responsabilité décennale engagée et être, avec son assureur, condamné sur ce fondement. Cet arrêt souligne que les conditions de la réception judiciaire sont différentes de celles de la réception tacite, nécessitant, elle, la caractérisation de la manifestation non équivoque du maître d’ouvrage de recevoir l’ouvrage. Rappelons en outre que la réception de l’ouvrage (expresse, judiciaire ou tacite) peut être prononcée même si les travaux sont inachevés avec, dans ce cas, mention de réserves, la garantie de parfait achèvement ayant pour objet d’y remédier.
Assurance : mal rédigée, la clause d’exclusion de garantie est écartée
Un maître d’ouvrage confie la surélévation d’un immeuble à un constructeur couvert par une police d’assurance multirisque professionnelle. Se plaignant de désordres et de l’abandon du chantier, le maître d’ouvrage assigne le constructeur en indemnisation. Le juge de première instance condamne l’assureur à garantir l’entreprise de sa condamnation, bien que celui-ci ait opposé l’application d’une exclusion de garantie. La cour d’appel infirme le jugement, faisant application de la clause d’exclusion insérée dans la police.
Le juge devait-il appliquer cette clause d’exclusion ?
Non. En effet, la clause de la police qui excluait « les frais exposés pour le remplacement, la remise en état ou le remboursement des biens que vous avez fournis et/ou pour la reprise des travaux exécutés par vos soins, cause ou origine du dommage, ainsi que les frais de dépose et repose et les dommages immatériels qui en découlent », était sujette à interprétation. Ladite clause ne pouvait donc pas être invoquée, dès lors qu’elle n’était pas suffisamment « formelle et limitée » comme l’exige l’.