"Hier, une frontière entre Paris et ses voisins; demain, un territoire partagé"

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Bertrand Delanoë, maire de Paris. ©D.R

Interviewé par Le Moniteur, Bertrand Delanoë, maire de Paris, fait le point sur son programme de logements sociaux, le retour des tours, le financement des transports publics et l’aménagement des Halles.

Comment comptez-vous atteindre l’objectif particulièrement ambitieux de 40 000 logements sociaux supplémentaires d’ici à 2014 ?

C’est vrai, c’est ambitieux, surtout après les 30 000 logements sociaux déjà financés sous la précédente mandature. Mais la situation sociale et la crise nationale du logement légitimement ce volontarisme. C’est pourquoi nous nous sommes engagés à atteindre dès 2014, c'est-à-dire avec six ans d’avance, l’objectif fixé par la loi SRU. Nous allons donc poursuivre et amplifier nos efforts, mobiliser tous les leviers disponibles et notamment intensifier la construction dans les secteurs d’aménagement avec un objectif de 27 000 logements neufs en six ans dont environ la moitié de logements sociaux. Nous allons aussi faire évoluer le PLU afin d’identifier de nouvelles "réserves" dédiées au logement des familles modestes et des classes moyennes. Dans ces nouveaux quartiers de Paris, nous rendrons possible la construction d’immeubles de 15 étages, ce qui dans la ville la plus dense d’Europe, permet de dégager de nouvelles marges. J’ajoute que d’ici la fin 2010, nous aurons achevé le traitement de l’insalubrité sur tout le bâti parisien. Ce sont là encore autant d’immeubles et de surfaces disponibles pour le logement social. Et Paris continuera bien entendu à investir dans l’immobilier en exerçant son droit de préemption. Cette politique d’acquisition doit également nous permettre de lutter contre le fléau spéculatif des ventes à la découpe, qui fragilise les locataires du parc privé. Parallèlement, nous mettons tout en œuvre pour que l'Etat accepte de nouer un réel partenariat avec le Ville et accepte de nous vendre à des conditions adaptées certaines emprises foncières sur lesquelles nous pouvons réaliser des logements sociaux.

Enfin, bien sûr, dans un souci d’efficacité, nous développons les partenariats avec nos voisins pour que le logement, tout comme l’hébergement d’urgence, fassent l’objet de politiques concertées.

Vous avez dévoilé, le 25 septembre, le projet de tour "Triangle" à la porte de Versailles. Les Parisiens sont plutôt réticents à la construction d’immeubles de grande hauteur. Comment allez-vous les convaincre ?

D’abord, le sujet est plus vaste : c’est le visage et l’aménagement de Paris dont il doit être question. La question des hauteurs s’inscrivant dans cette problématique. Ensuite, comme sur tous les sujets qui engagent l’avenir de Paris, nous défendons une démarche : la concertation avec les Parisiens. Avec Anne Hidalgo, ma première adjointe, en charge de l’urbanisme et de l’architecture, nous allons prolonger la réflexion initiée par Jean-Pierre Caffet sur la transformation de la couronne parisienne. Hier, une frontière entre Paris et ses voisins, des paysages urbains difficiles, sortes de no man’s land entre deux portes ; demain, un territoire partagé, une continuité urbaine telle qu’elle se dessine, par exemple, autour de la Gare des Mines. Sur cette couronne, le paysage reste à inventer, avec comme enjeux le logement, la dynamique économique de notre métropole, les ambitions écologiques d’un urbanisme durable. Dans ce cadre, il peut être légitime de créer de l’espace en hauteur et d’en libérer au sol pour les espaces verts, les déplacements et les espaces publics.

Vous soulignez l’importance de libérer de l’espace pour les déplacements, mais la Ville de Paris est-elle prête à soutenir le plan de mobilisation de Jean-Paul Huchon en faveur des transports publics ?

D’abord, l’augmentation du prix des hydrocarbures et la crise environnementale rendent le développement des transports en commun plus urgent et plus décisif que jamais. Or, depuis 2002, l’Etat a fait perdre beaucoup de temps à notre région dans ce domaine : c’est ce qui explique le coût de ce plan de mobilisation, évalué à 17 milliards d’euros. Depuis 2006, date de la décentralisation effective du STIF (Syndicat des transports d’Ile-de-France), la région et la Ville de Paris ont fait des efforts considérables pour renforcer l’offre de transports en commun avec une augmentation de 60% des contributions publiques. Mais dans le même temps, l’Etat reporte sans cesse la réalisation de projets programmés depuis longtemps. De contrat de plan en contrat de plan, son désengagement devient systématique. Paris soutiendra donc évidemment le plan de mobilisation en faveur des transports publics mais nous attendons un engagement financier précis et significatif de l’Etat. La remarque est d’autant plus fondée que le gouvernement a curieusement exclu l’Ile de France des conclusions du Grenelle de l’environnement, alors que l’enjeu s’y pose de la façon la plus évidente. Ce jeu de dupes doit cesser.

Plus précisément, où en sont les négociations avec l’Etat sur l’enfouissement de CDG Express à la porte de la Chapelle et le financement du tramway entre la porte de la Chapelle et la porte d’Asnières ?

Nous sommes tout à fait favorables au projet CDG Express. Mais il faut faire les choses dans l’ordre. J’ai donc alerté l’Etat sur la nécessité d’enfouir cette ligne, CDG Express, au niveau de la Porte de la Chapelle, et ce, avant d’envisager toute nouvelle infrastructure sur un site déjà très encombré. D’ailleurs, la commission d’enquête indépendante intervenant sur ce dossier a rendu un avis favorable à deux conditions : l’enfouissement de la ligne, précisément, et la création d’une interconnexion avec le RER E. Je ne peux qu’approuver ces conclusions et je souhaite vivement que l’Etat prenne pleinement en compte cette recommandation. Quant au tronçon sud du tramway des maréchaux, il a été mis en service en décembre 2006 et transporte désormais 100 000 personnes par jour. D’ici 2012, il sera prolongé jusqu’à la Porte de la Chapelle et à l’heure du Grenelle, nous attendons légitimement un engagement financier de l’Etat afin de pousser ce projet jusqu’à la Porte d’Asnières.

Que pensez-vous des propos de Jean Nouvel sur le projet des Halles selon lesquels la Ville de Paris s’est contentée du "programme minimum" ?

J’ai le plus grand respect pour Jean Nouvel, l’un des plus grands architectes de notre temps. Mais sur les Halles, un peu de patience ! David Mangin a conçu une stratégie urbaine pour désenclaver et même " pacifier" le cœur de Paris. Avec des circulations plus fluides grâce à une perspective restaurée, nous redonnons aux Halles sa fonction de porte d’entrée principale dans la métropole. Et dans cet espace libéré s’inscrit le geste architectural de Patrick Berger et Jacques Anziutti :la Canopée est un vrai signal urbain, lumineux, esthétique, apaisant qui donnera un sens à cette porte de Paris où se croisent 800 000 personnes chaque jour. J’observe d’ailleurs que des architectes aussi éminents que Jacques Herzog, Dominique Jakob, Wilhem Jan Neutelings, Rudy Ricciotti ou Kajuyo Sejima, tous membres du jury sur le Carreau des Halles, ont soutenu ce projet.

Propos recueillis par Nathalie Moutarde

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