« Le grand défi, c’est la continuité ». Directrice générale de Veolia, Estelle Brachlianoff résume par cette formule le service attendu de la nouvelle unité de décantation primaire de l’usine Seine Aval d’Achères (Yvelines).
Le défi de la continuité
Avec sa filiale OTV, le leader mondial de l’eau a réalisé ce chantier pour le Syndicat intercommunal d’assainissement de l’agglomération parisienne (Siaap), comme mandataire d’un groupement de conception réalisation auquel appartiennent également Eiffage – Urbaine de travaux (Génie civil), Alain Le Houedec (architecte) et Artelia-Setec (assistant du maître d’œuvre). La capacité de 6 millions d’habitants donne au site le titre de plus grosse station d’épuration européenne.
« Le dérèglement climatique provoque de gigantesques variations de débit », explicite la dirigeante, ce 18 mars lors de l’inauguration de l’équipement réceptionné en décembre dernier. Pour que ces aléas n’affectent pas la qualité du traitement, les 24 nouveaux décanteurs de 18,5 m de diamètre pour 10 m de profondeur répartissent leur flux dans deux directions : la filtration biologique en absorbe 80 %, tandis que la file membranaire traite les effluents les plus chargés. La capacité de l’installation atteint 34 m3/s, soit l’équivalent de 50 piscines olympiques, ce qui en fait la plus grosse unité européenne de décantation.

La capacité de 6 millions d'habitants classe l'usine d'Achères en tête des stations d'épuration européennes. © Ecliptique - Laurent Thion
Filtres biologiques optimisés
Les exutoires dédiés à la nitrification-dénitrification (élimination de l’azote) avaient fait l’objet de la précédente grande vague de travaux, bouclée en 2018. Ils approchent désormais de leur fonctionnement optimal, grâce au logiciel qui automatise leur alimentation : « Le pilotage des flux en temps réel constitue la principale innovation apportée par la décantation primaire », poursuit Estelle Brachlianoff.
Pour en réduire les impacts fonciers et olfactifs, le mandataire a choisi la technologie lamellaire, sur des modules couverts. « Pour accélérer la vitesse de décantation, des réactifs agglomèrent les flocs sur des surfaces augmentées grâce aux lamelles », précise Amandine Gasco, directrice adjointe du Siaap chargée, jusqu’en 2024, de piloter le projet de décantation primaire. La cheminée de 20 m de haut qui coiffe l’installation laisse s’échapper l’air filtré par des pouzzolanes.
Pompage et dégrillage
En amont de la nouvelle unité, l'opération bouclée le 18 mars comprenait deux autres équipements : 16 pompes remontent de 3,30 m les eaux prétraitées, ouvrant la voie à un écoulement entièrement gravitaire dans la suite du process. Elles conduisent les flux vers 14 dégrilleurs qui éliminent, par une vis sans fin, tous les déchets d’un diamètre supérieur à 6 mm.
Les 24 nouveaux décanteurs remplacent des équipements installés durant les trois premières décennies de l’usine mise en service en 1940. Le franchissement de cette étape précède une phase de déconstruction. Mais pour boucler le programme de modernisation engagé en 2009, un nouveau chantier s’annonce : d’ici à 2027 après 250 M€ de travaux, la clarifloculation trouvera sa place entre la décantation et la biofiltration. Le Siaap en attend un nouveau bond de capacité.
Maxi défi pour micropolluants
La nouvelle page qui s’ouvrira alors fait déjà l’objet d’intenses études : l’usine octogénaire prépare sa mise en conformité avec la seconde directive Eaux résiduaires urbaines (Deru 2). La France transcrira le texte européen en 2026. Pour l’autonomie énergétique visée à l’horizon 2045, le site bénéficie d’un atout majeur : grâce au biogaz, il couvre déjà 60 % de ses consommations.
Le plus dur concernera les nouvelles substances à éliminer : Pfas (polluants éternels), perturbateurs endocriniens, microplastiques et autres métabolites de pesticides. Des méga-investissements pour des micropolluants.